A l’attention de Madame Hillary Clinton
Secrétaire d’Etat
Washington DC
Etats-Unis
Paris, le 18 octobre 2010
Objet : Déplacement à Hanoï dans le cadre de la conférence de l'Association des Nations de
l'Asie du Sud-Est (ASEAN).
Madame la Secrétaire d’Etat,
A l’occasion de votre prochaine visite à Hanoï, le 30 octobre 2010, Reporters sans frontières vous demande de bien vouloit aborder, avec vos interlocuteurs, la question de la libération des journalistes et cyberdissidents emprisonnés, en évoquant en particulier les cas de Pham Minh Hoang, Nguyen Tien Trung et Le Cong Dinh. Une rencontre avec leurs familles ou d'autres défenseurs des droits de l'homme s'inscrirait dans la lignée de votre discours du 21 janvier 2010, en faveur de la liberté d’expression.
Le Cong Dinh, cyberdissident et célèbre avocat, a été condamné, le 20 janvier 2010, à cinq ans de prison ferme. Nguyen Tien Trung, blogueur et militant démocrate, a écopé de sept ans. A ces peines s’ajoutent trois ans d’assignation à résidence. Tous deux ont été reconnus coupables d’avoir "mis en danger la sécurité nationale", en "organisant des campagnes en collusion avec des organisations réactionnaires basées à l’étranger", destinées à "renverser le régime du peuple avec l’aide d’Internet".
Pham Minh Hoang, blogueur (www.pkquoc.multiply.com), a été officiellement inculpé le 29 septembre dernier, après un mois et demi de détention au cours duquel sa famille est restée sans nouvelles de lui. Il est lui aussi accusé d'"avoir mené des activités en vue de renverser le gouvernement", mais également d’être membre du parti d’opposition Viet Tan, qualifié par les autorités d’"organisation terroriste". Son épouse a rejeté ces accusations. Selon elle, son mari a été arrêté pour son opposition aux projets d’exploitation de mines de bauxite par une entreprise chinoise dans la région des Hauts-Plateaux du centre du Viêt-nam et ses conséquences pour l'environnement. D'autres journalistes et blogueurs ayant tenté de couvrir sujet ont eux aussi été arrêtés, à l'instar de Bui Thanh Hieu.
Alors que la situation des droits de l'homme se détériore à l’approche du Congrès du Parti communiste prévu au début de 2011, Reporters sans frontières rappelle que le Viêt-Nam
s'était engagé, en 2006, à concilier son développement économique avec le respect des libertés fondamentales de ses concitoyens, à l'occasion de son entrée dans l'OMC. Le Viêt-
Nam est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui consacre la liberté d’expression et d’opinion comme un droit fondamental qui doit pouvoir s’exercer librement.
Depuis 2009, le gouvernement a pourtant renforcé son contrôle sur les médias et sur Internet. La censure de contenus politiques en ligne s'est durcie, tout comme la répression contre les blogueurs et les net-citoyens qui traitent de sujets sensibles. Les cyber-attaques à l'encontre des sites critiques envers le gouvernement se sont multipliées. La "Circulaire n°7" de janvier 2009 ordonne que les blogs ne fournissent que des informations strictement personnelles (art.1), interdisant ainsi la diffusion d'articles de presse. Le ministère de la Sécurité publique est également impliqué dans la surveillance de la Toile. Le Viêt-Nam figure dans la liste des "Ennemis d'Internet" dressée par Reporters sans frontières.
Lors de votre discours historique de janvier dernier, vous aviez affirmé très clairement le soutien des Etats-Unis à la liberté d'expression et d'opinion sur Internet, déclarant que les Etats-Unis ont la « responsabilité » de préserver cet « outil de développement économique et social ». Nous vous demandons aujourd’hui de défendre ces principes auprès du Viêt-Nam, deuxième prison du monde pour les net-citoyens, avec seize cyberdissidents et trois journalistes. A l’occasion de la fête nationale vietnamienne, le 2 septembre 2010, le gouvernement avait annoncé une amnistie de détenus. Pourtant, aucun défenseur de la liberté
d'expression n'a encore été libéré.
Notre organisation espère pouvoir compter sur votre soutien à la liberté d'expression en ligne et à ceux qui luttent chaque jour pour défendre le droit à l'information.
Je vous remercie de l’attention que vous porterez à notre demande, et je vous prie d’agréer, Madame la Secrétaire d’Etat, l’expression de ma haute considération.
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