Source: lematin.ch
À la veille de la Journée mondiale contre la cybercensure, Reporters sans frontières décernera ce soir le premier "Prix du Net-citoyen" avec le soutien de Google. La cérémonie se tiendra dans les locaux de Google France, à Paris, en présence du lauréat.
Les personnalités nommées pour le prix sont des journalistes professionnels, des blogueurs ou de simples internautes. Ils ont tous oeuvré pour la promotion de la liberté de circulation de l'information sur Internet, en étant auteur, ou simple relais d’articles sur Internet, ayant permis d'en porter la connaissance au plus grand nombre.
Le ou la lauréat(e) recevra une dotation de 3700 francs. Les nommés pour le Prix du Net-citoyen 2010 sont :
Yoani Sánchez, Cuba
Havanaise, née en 1975, Yoani Sánchez a contribué à la plateforme Internet dissidente, Desdecuba, avant de fonder en 2007 son propre blog, Generación Y. Blogueuse citoyenne, Yoani Sánchez entend par ce support contribuer à la fois à la promotion d’une société civile sur l’île, et rendre compte au plus près de la situation socio-économique de Cuba aujourd’hui. Yoani Sánchez défie pacifiquement le régime castriste qui ne tolère pas de presse en dehors du contrôle direct de l’État. L’île compte à ce jour vingt-cinq journalistes emprisonnés pour leur dissidence et Internet y est sévèrement contrôlé. Après une timide période d’ouverture inaugurée par l’accession de Raúl Castro au pouvoir, Yoani Sánchez a récemment dénoncé les obstacles dont font toujours l’objet des Cubains voulant accéder à une meilleure connexion dans les grands hôtels touristiques. Lauréate du prix Ortega y Gasset décerné par le quotidien El País, Yoani Sánchez n’a jamais obtenu d’autorisation de sortie de l'île.
Tan Zuoren, Chine
Originaire de Chengdu, Tan Zuoren est emprisonné pour avoir enquêté sur les suites du tremblement de terre qui a ravagé sa province du Sichuan (Sud-Ouest). Ecrivain environnementaliste et ancien rédacteur du magazine Wenhuaren (Les intellectuels), il a également collaboré avec le site 64tianwang.com du cyberdissident Huang Qi, également emprisonné. À la suite du terrible séisme du Sichuan, Tan Zuoren, soutenu par l’artiste d'avant-garde Ai Weiwei, s'est lancé dans une enquête pour établir le nombre d’enfants tués par l'effondrement de leurs écoles. Il met alors en place "L'archive des étudiants du 12.05" qui vise à collecter une base de données sur les jeunes victimes de ces bâtiments de mauvaise qualité surnommés les "écoles en tofu". Le blogueur appelle les internautes à se mobiliser pour établir la vérité. Tan Zuoren est harcelé par les autorités chinoises, avant d'être arrêté le 28 mars 2009, et accusé "d’incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat". Il a été condamné à cinq ans de prison le 9 février 2010.
Tamer Mabrouk, Egypte
Tamer Mabrouk est le premier blogueur égyptien poursuivi en justice par une entreprise. En mai 2009, il a été condamné à payer une lourde amende (45 000 livres égyptiennes soit environ 8000 francs) pour “diffamation” et “outrage” à l'encontre de l'entreprise Trust Chemical Company. Face au silence d'autorités visiblement complices, Tamer Mabrouk a utilisé son blog pour révéler l’implication majeure de cette société dans la dégradation de l’environnement, les pratiques de licenciements abusifs et la corruption des notables locaux. Tamer Mabrouk est le symbole d’un mouvement de protestation sur Internet issu de la population égyptienne. En dépit de nombreuses sanctions judiciaires, une blogosphère a réussi à s’imposer en devenant un refuge pour la liberté d’expression. L’Egypte compte le plus fort taux de pénétration d’Internet sur le continent africain avec 20% de sa population qui surfe sur la Toile. Cet engouement pour l'information en ligne a conduit à un durcissement de la réponse gouvernementale et judiciaire. Une plainte par jour est déposée contre un journaliste ou blogueur égyptien depuis le début de l’année 2009. Malgré des conditions de vie précaires et son isolement suite à sa condamnation, Tamer Mabrouk continue de publier sur son blog.
Ingushetiyaru, Russie
Ingushetiyaru est le seul portail d’information indépendant en ingouche, langue parlée en Ingouchie et en Tchétchénie. Dans l’environnement difficile de ces deux républiques du Caucase russe, en proie à la violence et à des gouvernements provinciaux répressifs, Ingushetia.org remplit sa mission avec courage et ténacité. Le site traite principalement des conditions de vie des populations, et s’est fait une spécialité d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et les disparitions de civils. Cette audace lui a valu de nombreuses poursuites judiciaires. Le 26 mai 2006, un tribunal de Moscou ordonne la suspension du site pour "extrémisme" ; son propriétaire, Magomed Yevloyev, est alors prié de "cesser toute activité sur Internet". A la réouverture du portail, les autorités tentent de dévier le flux des internautes vers un site pornographique et créent ingushetiyaru.net pour tromper les lecteurs. Le 31 août 2008, Magomed Yevloyev est abattu après son arrestation par des membres du ministère ingouche de l’Intérieur. La rédactrice en chef trouve refuge à l’étranger pour sauver sa vie et celle de ses enfants. Privé de moyens financiers après l’assassinat toujours impuni de son propriétaire, l’exil de sa rédactrice en chef et les cyber-attaques dont il est fréquemment l’objet, le site persévère dans son travail d’information au milieu du désert médiatique ingouche.
Nguyen Tien Trung, Vietnam
C'est lors de ses études d'ingénieur en France que Nguyen Tien Trung a entamé son engagement en faveur de la démocratie dans son pays d'origine. Né en 1983, le jeune blogueur s'est fait connaître en publiant sur Internet une lettre ouverte au ministre de l'Education critiquant la main-mise idéologique sur l'enseignement au Vietnam. Diplôme en poche, il a créé une association de jeunes démocrates, tout en continuant à diffuser sur Internet des articles et commentaires sévères à l'encontre des autorités d'Hanoï. De retour au Vietnam, harcelé par les autorités, Nguyen Tien Trung est appelé à effectuer son service militaire, en mars 2008. Mais il ne rentre pas dans le rang et refuse de prêter allégeance au Parti communiste. Début juillet 2009, il est expulsé de l'armée et arrêté dans la foulée. Le jeune homme est détenu pendant plusieurs semaines au secret dans des conditions difficiles. La police lui extorque des aveux sur ses relations avec des organisations dissidentes basées à l'étranger. Jugé en même temps que trois autres militants, il est condamné, le 20 janvier 2010, à sept ans de prison, et trois ans d’assignation à résidence, pour « avoir mis en danger la sécurité nationale » en « organisant des campagnes en collusion avec des organisations réactionnaires basées à l’étranger », destinées à « renverser le régime du peuple avec l’aide d’Internet. »
Les cyberféministes iraniennes de "Changement pour l'égalité"
Conçu par une vingtaine de femmes, la plupart blogueuses et journalistes, le site Changement pour l’égalité a vu le jour en septembre 2006 pour promouvoir la campagne baptisée "Un million de signatures pour obtenir la modification des lois
discriminatoires envers les femmes". Près de quatre ans après le début de cette campagne, il est devenu une source d’informations de référence sur le droit des femmes dans la société iranienne. Dans un pays gouverné par le fondamentalisme, l’activité de ces “cyberféministes” a, par exemple, permis de remettre en cause un projet de loi facilitant la polygamie, début
septembre 2008. Les manifestations qui ont suivi l’élection présidentielle contestée de juin 2009 s'expliquent en partie par la participation exceptionnelle des femmes iraniennes au développement de la société civile. Au mépris des convocations incessantes et des fermetures répétées, les cyberféministes iraniennes ont créé de nouveaux espaces d'expression. Plus de cinquante militantes ont été convoquées, arrêtées et emprisonnées depuis le lancement du site. Les journalistes féminines en ligne révèlent au monde les exactions subies, ces derniers mois, par les manifestants et la population en général.
À la veille de la Journée mondiale contre la cybercensure, Reporters sans frontières décernera ce soir le premier "Prix du Net-citoyen" avec le soutien de Google. La cérémonie se tiendra dans les locaux de Google France, à Paris, en présence du lauréat.
Les personnalités nommées pour le prix sont des journalistes professionnels, des blogueurs ou de simples internautes. Ils ont tous oeuvré pour la promotion de la liberté de circulation de l'information sur Internet, en étant auteur, ou simple relais d’articles sur Internet, ayant permis d'en porter la connaissance au plus grand nombre.
Le ou la lauréat(e) recevra une dotation de 3700 francs. Les nommés pour le Prix du Net-citoyen 2010 sont :
Yoani Sánchez, Cuba
Havanaise, née en 1975, Yoani Sánchez a contribué à la plateforme Internet dissidente, Desdecuba, avant de fonder en 2007 son propre blog, Generación Y. Blogueuse citoyenne, Yoani Sánchez entend par ce support contribuer à la fois à la promotion d’une société civile sur l’île, et rendre compte au plus près de la situation socio-économique de Cuba aujourd’hui. Yoani Sánchez défie pacifiquement le régime castriste qui ne tolère pas de presse en dehors du contrôle direct de l’État. L’île compte à ce jour vingt-cinq journalistes emprisonnés pour leur dissidence et Internet y est sévèrement contrôlé. Après une timide période d’ouverture inaugurée par l’accession de Raúl Castro au pouvoir, Yoani Sánchez a récemment dénoncé les obstacles dont font toujours l’objet des Cubains voulant accéder à une meilleure connexion dans les grands hôtels touristiques. Lauréate du prix Ortega y Gasset décerné par le quotidien El País, Yoani Sánchez n’a jamais obtenu d’autorisation de sortie de l'île.
Tan Zuoren, Chine
Originaire de Chengdu, Tan Zuoren est emprisonné pour avoir enquêté sur les suites du tremblement de terre qui a ravagé sa province du Sichuan (Sud-Ouest). Ecrivain environnementaliste et ancien rédacteur du magazine Wenhuaren (Les intellectuels), il a également collaboré avec le site 64tianwang.com du cyberdissident Huang Qi, également emprisonné. À la suite du terrible séisme du Sichuan, Tan Zuoren, soutenu par l’artiste d'avant-garde Ai Weiwei, s'est lancé dans une enquête pour établir le nombre d’enfants tués par l'effondrement de leurs écoles. Il met alors en place "L'archive des étudiants du 12.05" qui vise à collecter une base de données sur les jeunes victimes de ces bâtiments de mauvaise qualité surnommés les "écoles en tofu". Le blogueur appelle les internautes à se mobiliser pour établir la vérité. Tan Zuoren est harcelé par les autorités chinoises, avant d'être arrêté le 28 mars 2009, et accusé "d’incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat". Il a été condamné à cinq ans de prison le 9 février 2010.
Tamer Mabrouk, Egypte
Tamer Mabrouk est le premier blogueur égyptien poursuivi en justice par une entreprise. En mai 2009, il a été condamné à payer une lourde amende (45 000 livres égyptiennes soit environ 8000 francs) pour “diffamation” et “outrage” à l'encontre de l'entreprise Trust Chemical Company. Face au silence d'autorités visiblement complices, Tamer Mabrouk a utilisé son blog pour révéler l’implication majeure de cette société dans la dégradation de l’environnement, les pratiques de licenciements abusifs et la corruption des notables locaux. Tamer Mabrouk est le symbole d’un mouvement de protestation sur Internet issu de la population égyptienne. En dépit de nombreuses sanctions judiciaires, une blogosphère a réussi à s’imposer en devenant un refuge pour la liberté d’expression. L’Egypte compte le plus fort taux de pénétration d’Internet sur le continent africain avec 20% de sa population qui surfe sur la Toile. Cet engouement pour l'information en ligne a conduit à un durcissement de la réponse gouvernementale et judiciaire. Une plainte par jour est déposée contre un journaliste ou blogueur égyptien depuis le début de l’année 2009. Malgré des conditions de vie précaires et son isolement suite à sa condamnation, Tamer Mabrouk continue de publier sur son blog.
Ingushetiyaru, Russie
Ingushetiyaru est le seul portail d’information indépendant en ingouche, langue parlée en Ingouchie et en Tchétchénie. Dans l’environnement difficile de ces deux républiques du Caucase russe, en proie à la violence et à des gouvernements provinciaux répressifs, Ingushetia.org remplit sa mission avec courage et ténacité. Le site traite principalement des conditions de vie des populations, et s’est fait une spécialité d’enquêter sur les violations des droits de l’homme et les disparitions de civils. Cette audace lui a valu de nombreuses poursuites judiciaires. Le 26 mai 2006, un tribunal de Moscou ordonne la suspension du site pour "extrémisme" ; son propriétaire, Magomed Yevloyev, est alors prié de "cesser toute activité sur Internet". A la réouverture du portail, les autorités tentent de dévier le flux des internautes vers un site pornographique et créent ingushetiyaru.net pour tromper les lecteurs. Le 31 août 2008, Magomed Yevloyev est abattu après son arrestation par des membres du ministère ingouche de l’Intérieur. La rédactrice en chef trouve refuge à l’étranger pour sauver sa vie et celle de ses enfants. Privé de moyens financiers après l’assassinat toujours impuni de son propriétaire, l’exil de sa rédactrice en chef et les cyber-attaques dont il est fréquemment l’objet, le site persévère dans son travail d’information au milieu du désert médiatique ingouche.
Nguyen Tien Trung, Vietnam
C'est lors de ses études d'ingénieur en France que Nguyen Tien Trung a entamé son engagement en faveur de la démocratie dans son pays d'origine. Né en 1983, le jeune blogueur s'est fait connaître en publiant sur Internet une lettre ouverte au ministre de l'Education critiquant la main-mise idéologique sur l'enseignement au Vietnam. Diplôme en poche, il a créé une association de jeunes démocrates, tout en continuant à diffuser sur Internet des articles et commentaires sévères à l'encontre des autorités d'Hanoï. De retour au Vietnam, harcelé par les autorités, Nguyen Tien Trung est appelé à effectuer son service militaire, en mars 2008. Mais il ne rentre pas dans le rang et refuse de prêter allégeance au Parti communiste. Début juillet 2009, il est expulsé de l'armée et arrêté dans la foulée. Le jeune homme est détenu pendant plusieurs semaines au secret dans des conditions difficiles. La police lui extorque des aveux sur ses relations avec des organisations dissidentes basées à l'étranger. Jugé en même temps que trois autres militants, il est condamné, le 20 janvier 2010, à sept ans de prison, et trois ans d’assignation à résidence, pour « avoir mis en danger la sécurité nationale » en « organisant des campagnes en collusion avec des organisations réactionnaires basées à l’étranger », destinées à « renverser le régime du peuple avec l’aide d’Internet. »
Les cyberféministes iraniennes de "Changement pour l'égalité"
Conçu par une vingtaine de femmes, la plupart blogueuses et journalistes, le site Changement pour l’égalité a vu le jour en septembre 2006 pour promouvoir la campagne baptisée "Un million de signatures pour obtenir la modification des lois
discriminatoires envers les femmes". Près de quatre ans après le début de cette campagne, il est devenu une source d’informations de référence sur le droit des femmes dans la société iranienne. Dans un pays gouverné par le fondamentalisme, l’activité de ces “cyberféministes” a, par exemple, permis de remettre en cause un projet de loi facilitant la polygamie, début
septembre 2008. Les manifestations qui ont suivi l’élection présidentielle contestée de juin 2009 s'expliquent en partie par la participation exceptionnelle des femmes iraniennes au développement de la société civile. Au mépris des convocations incessantes et des fermetures répétées, les cyberféministes iraniennes ont créé de nouveaux espaces d'expression. Plus de cinquante militantes ont été convoquées, arrêtées et emprisonnées depuis le lancement du site. Les journalistes féminines en ligne révèlent au monde les exactions subies, ces derniers mois, par les manifestants et la population en général.